Plan de lutte contre la désinformation de la Commission européenne
Lors de la crise liée à la Covid-19, nous avons vu à quel point la désinformation pouvait être source de problèmes et dangers. Je pense notamment aux fake news autour de la vaccination ou autour des mesures sanitaires. Nous avons aussi vu à quel point elle pouvait parasiter l’action des pouvoirs publics. C’est dans ce contexte qu’à la fin du mois de mai, la Commission européenne a présenté son plan de bataille contre la désinformation qui vise à renforcer le code de bonnes pratiques contre la désinformation destiné aux plateformes en ligne. Ce code de bonnes pratiques a été établi il y a trois ans et a montré ses limites.
La Commission européenne évoque différentes pistes qui feront l’objet d’une concertation avec le secteur.
Premièrement, la Commission européenne souhaite que les utilisateurs puissent décider de sortir de leur «bulle» numérique créée par les algorithmes de recommandation utilisés par les réseaux sociaux. Nous avons souvent évoqué ce sujet au sein de la commission des Médias. En proposant toujours le même type de contenu aux utilisateurs en fonction de leur profil et de leur activité numérique, les réseaux sociaux ont contribué à la radicalisation des opinions et à la polarisation de la société. La Commission européenne plaide dès lors pour que les citoyens puissent eux-mêmes personnaliser les algorithmes de classement de l’information qu’ils reçoivent.
Deuxièmement, pour «démonétiser» les fake news, la Commission européenne veut être en mesure d’ordonner aux réseaux sociaux de ne plus sponsoriser les publications des acteurs qui publient des contenus identifiés comme étant de la désinformation.
Troisièmement, la Commission européenne veut lutter contre l’opacité des données et des algorithmes. Il est vrai que nous ne savons souvent absolument rien de ces algorithmes et nous ne savons pas comment ils sont conçus. La Commission européenne veut donc convaincre les signataires du code de bonnes pratiques de donner accès à ces informations aux experts et aux chercheurs.
Je suis intervenu en commission à ce sujet auprès de la Ministre des Médias, voici sa réponse.
Mme Bénédicte Linard:
L’objectif de la Commission européenne est de proposer une première version d’un code de bonnes pratiques en automne. La proposition de la Commission offre des outils concrets. Lors de la mise en œuvre de ce plan, il conviendra toutefois d’être attentifs à une série d’enjeux, y compris ceux relatifs à la liberté d’expression. Je suivrai ces travaux avec attention car un cadre solide est bien évidemment nécessaire dans la lutte contre la désinformation.
La corégulation, si elle est bien organisée, peut s’avérer être un outil efficace. Néanmoins, des balises juridiques précises sont à mon avis indispensables afin que les plateformes ne deviennent pas des gardiens de la liberté d’expression.
Au-delà d’une éventuelle personnalisation des algorithmes, la littératie numérique et l’éducation aux médias sont cruciales dans la lutte contre la désinformation. Une meilleure compréhension du fonctionnement des écosystèmes numériques et une capacitation des utilisateurs sont essentielles. Le développement des outils favorisant des comportements responsables en ligne et la possibilité de signaler les contenus suspects limitent également la désinformation.
La démonétisation des contenus de désinformation peut rejoindre, d’une certaine manière, l’idée de la certification des espaces publicitaires, que l’on retrouve parmi les recommandations de l’audit publicitaire commandé par le gouvernement. Le rapport propose la création d’un label des médias de confiance afin d’encourager les annonceurs à investir auprès des médias certifiés. Les actions visant les recettes publicitaires auront certainement un impact dans la lutte contre la désinformation, qu’il conviendra d’évaluer après la mise en œuvre éventuelle des mesures.
Je remercie la Ministre pour sa réponse très complète et ne manquerai pas de suivre le dossier de près.
Compte rendu complet p.37