Plus de sécurité pour les piétons de demain.
Par souci de mobilité ou par conviction écologique, bon nombre de personnes délaissent la voiture pour la marche à pied. Comme le titrait récemment Sudpresse « le piéton est une souris dans la jungle », il doit désormais s’adapter aux nouveaux modes de transport tels que les vélos électriques, les trottinettes, les rollers ou encore les overboards... sans parler des voitures, des bus, trams ou motos qui sillonnent nos villes. Il devient parfois difficile de marcher en toute sécurité.
Les accidents impliquant des piétons étaient en constante diminution depuis 2005 dans notre pays, mais l’on constate depuis peu que la tendance s‘inverse. Voici quelques chiffres : en 2018, 4 616 piétons ont été blessés sur les routes et 74 piétons y ont trouvé la mort. Si l’on observe les dernières statistiques portant sur les neuf premiers mois de 2019, on remarque une hausse relativement importante : 45 tués au lieu de 32 tués lors de la même période l’année précédente. Plus 40 %, c’est inquiétant. Je précise que l’on parle ici de tués sur place.
La sécurité des usagers faibles fait partie des priorités du Gouvernement wallon. Un plan Piétons est prévu dans la Déclaration de politique régionale et la philosophie en matière d’aménagement de voiries est désormais de penser d’abord aux piétons. Pour Benoît Godart, le porte-parole de Vias, il reste encore des choses à faire. Pour lui, « les piétons sont les parents pauvres de la sécurité routière ».
J’ai interrogé la ministre Valérie De Bue afin d’en savoir plus à ce sujet.
- Quelles sont les principales actions entreprises afin d’améliorer la sécurité des piétons ?
- Quelles seront à l’avenir les priorités du Gouvernement en la matière, sachant que c’est une compétence qui concerne plusieurs membres du Gouvernement ?
- L’adaptation progressive des infrastructures sera-t-elle véritablement boostée sous cette législature ?
- Nous l’avons tous constaté, beaucoup de piétons semblent un peu distraits sur nos trottoirs : bon nombre d’entre eux regardent leur smartphone, d’autres portent un casque pour écouter leur musique favorite. Cela engendre quelques risques. Notre Région a-t-elle procédé à une campagne de sensibilisation à ce sujet ?
Voici sa réponse :
Les chiffres évoqués concernent la Belgique. Les données d’accident impliquant un piéton pour la Wallonie pour les neuf premiers mois de l’année 2019 indiquent 17 piétons tués contre 15 piétons tués en 2018. Les actions de la sécurité des piétons s’articulent sur deux axes : d’une part, l’infrastructure ; d’autre part, le comportement et la sensibilisation des usagers.
Pour l’infrastructure, il y a le domaine des traversées piétonnes et le domaine des cheminements piétons, terme plus général que trottoir. Pour améliorer la sécurité des traversées piétonnes, l’application des règles de bonne pratique d’aménagement routier est une mesure simple et efficace. L’administration a édité un guide des différents types de traversées piétonnes reprenant leur condition d’implantation et les conseils d’aménagement appropriés. Il conviendra de diversifier et de moderniser les canaux de communication à destination du public en collaboration avec l’AWSR. Ce sont les projets qui s’inscrivent dans ce que je souhaite au niveau d’une sensibilisation plus moderne, qui s’appuie notamment aussi sur les réseaux sociaux. On l’oublie souvent, mais il y a plusieurs types de traversées. Cela ne se résume pas aux traditionnels marquages du passage piéton. Il y a :
- La règle générale du Code de la route. Le piéton peut traverser pratiquement où il le souhaite, moyennant quelques règles simples. C’est d’ailleurs la pratique la plus courante des piétons pour traverser ;
- Les traversées suggérées, les continuités de trottoirs, les feux de signalisation, les traversées avec îlot refuge, et cetera ;
- Les zones de rencontre et les zones piétonnes, qui gèrent autrement l’espace public et la circulation des usagers.
Tous ces types ont leurs avantages et leurs inconvénients, leurs conditions d’implantation et d’aménagement. C’est la raison pour laquelle les types de traversées doivent se choisir en fonction de la spécificité des lieux. Par ailleurs, l’administration dispose d’une base de données reprenant l’ensemble des passages piétons sur les routes régionales sous forme d’une fiche individuelle. C’est un fait unique en Europe : nous sommes la seule région qui dispose d’une telle base de données aussi complète. Cet outil permet d’agir en connaissance de cause et de façon méthodique pour améliorer la sécurité routière.
Pour améliorer les cheminements piétons, je pointerai encore la récente circulaire qui clarifie les rôles et les charges entre la Région et les communes pour la gestion des trottoirs le long des voiries régionales. Par ailleurs, dans sa DPR, le Gouvernement s’est clairement engagé à investir dans la marche à pied et à promouvoir un environnement favorable pour les déplacements pédestres quotidiens. Cela passe par une attention toute particulière aux cheminements piétons et une amélioration de l’accessibilité des trottoirs, des places, des sentiers, et cetera.
Concernant le comportement des piétons et plus précisément de certains piétons qui marchent en utilisant leur smartphone. Les statistiques d’accident de piétons ne permettent pas d’identifier la part liée à l’utilisation d’un smartphone. Néanmoins, ce comportement se répand. Selon les chiffres d’une enquête réalisée par l’AWSR en 2018, 44 % des Wallons avouent traverser la chaussée au moins occasionnellement en utilisant un téléphone portable et 28 % admettent au moins occasionnellement traverser en écoutant de la musique à travers un casque ou des écouteurs. Ces chiffres sont d’autant plus préoccupants qu’il s’agit de comportements avoués et que l’adoption réelle de ces comportements est probablement plus importante encore. Une liste de mesures relatives à la distraction des piétons a été soumise à l’avis des répondants. La mise en place de campagnes de sensibilisation à destination des piétons sur le thème de la distraction est la mesure recevant le plus haut taux d’approbation : 91 %. Il est effectivement prévu de renforcer la sensibilisation à l’égard des piétons cette année dans une logique de proximité accrue, que ce soit à des moments accidentogènes ou auprès de catégories d’usagers comme les jeunes ou les seniors.
Des initiatives existent déjà, comme l’édition d’un manuel sur les déplacements en groupe diffusé par l’AWSR auprès des animateurs de mouvements de jeunesse ou un dépliant élaboré et diffusé par l’AWSR en collaboration avec l’association Tous à Pied. L’émission Contacts permet aussi d’aborder le sujet. L’amélioration de l’infrastructure et des comportements des usagers demande du temps et du labeur, mais l’administration régionale et les partenaires en sécurité routière poursuivent et amplifieront même leurs efforts pour atteindre notre ambitieux objectif de réduire de moitié les victimes de la route d’ici 2030.
Je remercie Madame la ministre pour sa réponse qui une fois de plus est très claire et complète. Je dois dire que je m’inscris complètement dans la philosophie du nouveau Gouvernement wallon qui est de réfléchir en termes d’aménagement de voirie en pensant d’abord aux piétons. Il faut renverser la philosophie des années 60 où c’était « tout à la voiture ». Maintenant, il faut penser aux piétons. Je me réjouis que la Région mette en place un dispositif et qu’elle se soit engagée à investir dans la marche à pied. Sur le comportement des piétons, les chiffres que vous avez cités confirment ce que je percevais intuitivement et ce que nous constatons tous au quotidien : 44 % des citoyens qui avouent traverser en regardant leur GSM, c’est extrêmement interpellant. Il faut renforcer, la sensibilisation des piétons. Comme le dit Benoît Godart, le piéton semble avoir été quelque peu oublié depuis quelques années. Et puis, le risque n’est pas uniquement lors des traversées ; le risque peut être sur le trottoir : il peut y avoir une trottinette qui file à 15 kilomètres par heure, un vélo qui ne devrait pas y être, un overboard, … Il faut apprendre à partager l’espace public, mais certains utilisateurs de nouveaux moyens de transport ont tendance, je pense, à l’oublier quelque peu. L’espace public se partage.
Voici le lien vers la vidéo complète de mon intervention.